Viola la chaste fleurette, de Mathilde Soubeyran.
Viola la chaste fleurette.
Recueil : Les oiseaux et les fleurs (1878)
Il est une chaste fleurette, Emblème du cœur pur et doux,
Qui cache sa beauté discrète
Dans les coins ignorés de tous.
Sous la feuille qui la recouvre,
Au premier sourire de mai,
Comme une coupe frêle elle ouvre
Un calice tout embaumé.
Quand le papillon la lutine,
— Le papillon sait tout oser, —
On dirait que la fleur s'incline
Et frissonne sous ce baiser.
Elle choisit, elle préfère
Le silence, l'ombre des bois ;
Et, si vous la voyez se plaire
Le long de nos sentiers parfois,
Ce n'est pas qu'elle ambitionne
Le destin des roses, ses sœurs ;
C'est le bon Dieu qui nous la donne
Pour apaiser un peu nos cœurs.
Son parfum seul nous la dévoile.
Hélas ! qui n'a pas, en rêvant,
Dédaignant la fleur pour l'étoile,
Marché sur elle bien souvent ?
Telle âme est cette fleur blessée
Qui, martyre de sa candeur,
Aux pieds mêmes qui l'ont froissée
Exhale sa plus douce odeur.
Mathilde Soubeyran