Viens remplir ma nuit de musique, d'Eugène Goubert.
Viens remplir ma nuit de musique.
Recueil : Les poésies et sonnets intimes (1872)
Le jour finit et déjà l'ombre Tombe des ailes de la nuit
Comme tombe la plume sombre
De l'aigle qui s'enfuit.
Du village à travers la pluie
Je vois étinceler les feux ;
Mon âme inquiète s'ennuie ;
Je me sens malheureux !
Viens, viens, lis-moi quelque poème
Simple, et tout humide de pleurs :
Ah ! voilà ce que mon cœur aime
Pour calmer ses douleurs.
Non d'antique et sublime maître
Ou d'un barde à la grande voix
Qu'à travers les temps font renaître
Les échos d'autrefois ;
Car en nous, hélas ! ils réveillent,
Comme des chants sous les drapeaux,
Pensers de labeur qui sommeillent
Quand j'aspire au repos.
Lis-moi donc, je te le répète,
Un doux poème de ton choix,
Et prête au rythme du poète
Le charme de ta voix.
Prends quelque poète modeste
Dont les chants coulent de son cœur,
Comme tombe l'onde céleste,
Ou s'effeuille la fleur ;
Qui sente en son âme, sans trêve,
Bruire la nuit et le jour,
Des chants suaves comme un rêve.
Un rêve plein d'amour !
Viens remplir ma nuit de musique ;
Les soucis qui brisent mes jours,
Ainsi qu'un songe fantastique
S'enfuiront pour toujours !
Eugène Goubert