Un monde imaginaire, d'Achille Segard.
Loin de la foule, je vivrai solitaire.
Recueil : Les poésies et sonnets (1922)
Pour demeure j'ai pris un nid inaccessible, Perdu dans les sommets d'une haute maison,
Et nul n'y grimpera sans de bonne raison
Tant l'accès en paraît rude et presque impossible.
Là des arbres caducs bornent mon horizon,
Et la lune déjà morne, froide, insensible,
Eclaire faiblement le vieux parc impassible
D'où montent les parfums de l'arrière-saison.
Me créant hors du monde un monde imaginaire,
C'est là que désormais je vivrai solitaire,
Délivré de la foule et des bruits importuns.
Je vivrai seul, comme un chartreux dans sa cellule,
Et je méditerai sur mes rêves défunts
À l'heure où le jour vil se change en crépuscule.
Achille Segard (1872-1936)