Souviens-toi de moi, de Louise Colet (1839).
Souviens-toi de moi.
Recueil : Penserosa (1839)
Pars, puisque la gloire t'appelle ! Mais lorsque tu t'enivres d'elle,
Oh ! du moins, souviens-toi de moi !
Quand la louange autour de toi
Se répand, douce à ton oreille,
Ah ! que mon image s'éveille
Dans ton cœur, souviens-toi de moi !
D'autres femmes te seront chères ;
D'autres bras pourront t'enlacer ;
Et tous les biens que tu préfères
Sur tes pas viendront se presser ;
Mais si celles que ton cœur aime
Sont heureuses auprès de toi,
En goûtant le bonheur suprême,
Oh ! toujours souviens-toi de moi !
La nuit, quand ta vue est charmée
Par ton étoile bien-aimée,
Alors, oh ! souviens-toi de moi.
Pense qu'elle brilla sur toi
Un soir où nous étions ensemble,
Et quand sur ton front elle tremble,
Oh ! toujours souviens-toi de moi !
Lorsque dans l'été tu reposes
Tes yeux sur les mourantes roses
Que nous aimions tant autrefois,
Lorsque leur parfum t'environne,
Songe que, tombant sous mes doigts,
Je t'en formais une couronne
Ou les effeuillais avec toi ;
Et toujours souviens-toi de moi !
Puis, quand le vent du nord résonne,
Et que les feuilles de l'automne
Glissent éparses près de toi,
Alors, oh ! souviens-toi de moi.
Lorsque tu contemples dans l'âtre
La flamme ondoyante et bleuâtre,
Oh ! toujours souviens-toi de moi !
Si des chants de mélancolie
Tout à coup viennent te frapper,
Si tu sens ton âme amollie
Dans une larme s'échapper ;
Si ton souvenir te murmure
L'harmonie enivrante et pure
Que j'entendais auprès de toi,
Oh ! pleure, et souviens-toi de moi !
Louise Colet.