Mon petit frère, d'Ernest Bussy.
Mon petit frère est un ange !
Recueil : Les sonnets et poésies inédites (1886)
Mon frère, quelquefois, me semble encore être ange : Il a neuf ans et des yeux noirs,
Comme ces lacs profonds que la splendeur des soirs
Embellit d'un reflet étrange.
Il suit son frais sentier parmi les hautes herbes ;
Sa bouche naïve nous rit,
Car son cœur enfantin n'a point encor nourri,
Comme nous, des pensers acerbes.
Mon petit frère, si tu savais ce que tu nous rappelles !
Oh ! des premiers jours du printemps,
Que reste-t-il ? — Va, joue, enivre-toi longtemps
Du parfum des roses nouvelles !
Reste longtemps enfant. Conduis, le long des grèves,
Des vaisseaux aux frêles agrès.
Un jour vient où l'on suit d'un œil plein de regrets
L'essaim fuyant des heures brèves.
Sache être insouciant. Ne sois pas trop tôt sage.
Tu verras fuir avril et mai.
Garde pour l'hiver sombre un souvenir aimé
De ton enfance au court passage.
Ernest Bussy (1864-1886)