Mes amours furent des songes, de Jean Aicard.
Mes amours furent des songes vagues.
Recueil : Les rêves et sentiments (1880)
De tout temps mes amours furent des songes vagues ; Je n'ai causé, tout bas qu'aux nymphes, dans les bois,
Et, sur le bord des mers, ces sirènes, les vagues,
Me font seules vibrer aux accords de leur voix.
Mon âme est fiancée à l'humble solitude :
Son chaste baiser plaît à mon front sérieux ;
Je connais de profonds ombrages où l'étude
A des charmes plus doux pour l'esprit et les yeux.
Je suis l'amant rêveur des récifs et des grèves,
L'insatiable amant du grand ciel inconnu ;
Je ne retrouverai la vierge de mes rêves
Qu'en l'immortel pays d'où mon cœur est venu.
La vertu de l'amour, l'homme en a fait un crime !
Je ne veux pas aimer comme on aime ici-bas,
Et ce cœur, façonné pour un élan sublime,
Tant qu'il pourra monter ne se posera pas !
J'ai pourtant vu passer dans le vol de mes stances
De blanches visions, filles de mon désir,
Mais je n'aime d'amour que mes jeunes croyances :
Espoir dans le printemps, et foi dans l'avenir !
Jean Aicard (1848-1921)