Les petits enfants pauvres, d'Élise de Pressensé.
Les petits enfants pauvres.
Recueil : Les poésies nouvelles (1869)
Ils sont petits, menus et frêles, Avec des yeux malins et doux,
Pleins de rayons et d'étincelles,
Et qui semblent dire : Aimez-nous !
Ils ont des boucles blondes, fines,
Rebelles sous le bonnet noir,
Des bouches roses et mutines,
Parlant profond sans le savoir.
Ils ont aussi la main mignonne,
Eux que n'a pas encor flétris
Le travail rude et monotone
Où s'usent les doigts amaigris.
Voyez-les s'approcher sans crainte
Et s'appuyer sur vos genoux.
Ils ne connaissent pas la feinte,
Confiants ils viennent à vous.
Car il ne leur faut qu'un sourire,
Un regard, des mots caressants.
Un rien les gagne et les attire...
Ils aiment vite ces enfants.
C'est le grand amour de leur mère,
De leur mère au cœur patient,
Qui leur fait dans cette misère
Un foyer doux et rayonnant.
Hélas ! dans chaque tête blonde
Que de rêves confus sont nés.
Comme vous savez peu le monde,
Enfants aux grands yeux étonnés.
Eh quoi ! vous croyez que la terre
À pour tous des fruits et des fleurs ?
Que chacun prend sa part entière
Des biens ainsi que des douleurs ?
Eh quoi ! vous croyez qu'à votre âme,
Tiède encor du divin foyer,
Le soleil versera sa flamme
Et que pour tous il doit briller ?
Quoi ! vous ne savez pas encore
Que le sort vous marque en naissant
Pour l'âpre souci qui dévore
Et pour le labeur incessant ?
Comme une cruelle ironie
De vos rêves menteurs et doux,
L'implacable loi de la vie,
Enfants, déjà plane sur vous.
Déjà votre mère inquiète,
Quand elle vous prend dans ses bras
Pour baiser votre blonde tête,
Sachant cela, pleure tout bas.
Pauvres enfants, chers petits anges
Au regard pur, au cœur aimant,
Qui posez vos pieds dans nos fanges
Sans savoir ce qui vous attend ;
Vous que la pitié maternelle
Couvre d'amour et de douleur,
Ah ! je voudrais, pleurant comme elle,
Tous vous étreindre sur mon cœur.
Élise de Pressensé (1826-1901)