Les couples et l'oubli, d'Ernest Bussy.

L'oubli des premiers vœux.

Recueil : Les sonnets et poésies inédites (1886)
Nous ne songeons pas aux couples sans nombre
Qui se sont aimés dès les premiers jours.
Ce même soleil a vu leurs amours...
Oh ! que de beaux yeux maintenant pleins d'ombre.

Comme nous, devant les cieux étoilés,
N'ont-ils pas rêvé d'amours immortelles ?
Ces frêles amours, ces nuits, où sont-elles ?...
Oh ! que de regards à jamais voilés.

Lèvres que teignait le carmin des roses,
Ne fîtes-vous pas de tendres aveux ?
Morts, tous les regrets ; et morts, tous les vœux !
Oh ! dans les tombeaux que de bouches closes.

— D'autres, à leur tour, après nous, viendront,
Heureux, enivrés comme nous le sommes,
Enfants au front pur, vaillants jeunes hommes...
À l'heure fatale, eux aussi mourront.

Puisque nul chemin ne garde l'empreinte
Des passants qui l'ont tour à tour foulé,
Puisque tout est mort du temps écoulé,
De vos bras divins resserrez l'étreinte.

Ernest Bussy (1864-1886)