Les beaux jours sont finis, d'Ernest Bussy.
Les beaux jours sont pareils aux oiseaux de passage.
Recueil : Les sonnets et poésies inédites (1886)
Voici tout juste un an que nous étions ensemble. Vous étiez, ce jour-là, pâle et triste. Il me semble
Qu'il s'est passé dès lors un siècle tout entier.
La forêt se taisait : votre voix était douce ;
Nos pas silencieux s'égaraient dans la mousse,
Et je cueillais pour vous des fleurs sur le sentier.
Les beaux jours sont pareils aux oiseaux de passage
Qu'on voit fuir dans l'azur. Vous aviez au corsage
Un peu de sauge bleue et quelques brins de thym.
Le vent du soir levait, parfois, votre voilette ;
L'horizon se teignait de pourpre violette,
Car c'était l'heure calme où le soleil s'éteint.
Ô silence des bois ! Ô fraîcheur des fontaines !
Sources qui murmurez des hymnes incertaines
Dans la verte épaisseur de la forêt qui dort !
Fugitives senteurs des derniers jours d'automne,
Feuilles mortes, troupeau de couleur monotone,
Où le soleil couchant mêle ses reflets d'or !
Ô moment trop rapide où l'âme qui s'ignore
S'épanouit enfin comme un lis à l'aurore,
Comme les blancs muguets dans les halliers touffus !
Ô premier chant du cœur, le plus doux, le plus tendre,
Et si vibrant en nous qu'on croit encor l'entendre
Quand le printemps se perd dans le passé confus !
Elles chantent encore en moi, les mélodies
De ce beau soir d'automne aux teintes attiédies,
Avec son tendre azur nuancé de vermeil.
Et ces bois frissonnants et ce cher paysage,
Encadrant doucement votre pâle visage,
Ne seront oubliés qu'à mon dernier sommeil.
Ernest Bussy (1864-1886)