Les beaux jours d'enfance, de Jules Guillemin.
Beaux jours des amours, revenez !
Recueil : Les poésies et sonnets (1853)
Il fut un temps où dans les herbes, Sans que rien gênât mon essor,
De fleurs j'allais cueillir des gerbes,
Le long des champs aux moissons d'or.
Je revois mes champs et ma route,
Mais les bouquets se sont fanés
Pour ne plus refleurir, sans doute...
Beaux jours d'enfance, revenez !
Il fut un temps où, sur les grèves,
Mes quinze ans, l'air pur, le soleil,
Faisaient éclore en moi des rêves
Qui devaient être sans réveil !
Ils ont fui longtemps avant l'heure,
Ces anges d'espoir couronnés,
Hélas ! maintenant que je pleure,
Beaux jours des rêves, revenez !
Pendant un temps, temps éphémère,
Je suivis, du reste oublieux,
L'Amour, cette blonde chimère,
Enfant de la terre et des cieux.
Rien ne m'en reste ! La mémoire
Des baisers reçus et donnés,
A fui comme une ombre illusoire,
Beaux jours des amours, revenez !
À cet âge, où triste et sévère,
L'égoïsme ne peut régner,
Nous buvions dix au même verre,
Nous étions bien dans un grenier ;
Nous chantions d'une voix sonore
Des refrains gaîment entonnés,
Que ne puis-je les dire encore ! ...
Beaux jours d'amitié, revenez !
Ivre de ma jeunesse folle,
Tout m'inspirait un chant nouveau,
Je chantais, comme l'oiseau vole,
Comme murmure le ruisseau !
Pauvres oiseaux, l'hiver vous chasse
De nos grands bois découronnés,
Et comme vous, ma voix se glace.
Beaux jours des chansons, revenez !
Enfin, pour me guider, sans doute,
Dans mon sentier triste et pierreux,
Comme des jalons sur la route,
Dieu sema quelques jours heureux,
Mais l'espérance m'est ravie,
Sans retour ils sont éloignés,
Et c'est en vain que je leur crie :
Revenez, beaux jours, revenez !
Jules Guillemin