L'enfant et l'abeille, d'Eugène Goubert.

L'enfant et l'abeille.

Recueil : Les poésies et sonnets intimes (1872)
Un charmant enfant dont les pas
Laissaient au sol leur trace à peine,
Prenait dans un pré ses ébats,
Où des fleurs s'exhalait l'haleine.

Une abeille au corsage d'or,
Et belle à voir dans son essor,
Mais d'aiguillon toujours armée,
Allait volant de fleur en fleur,
Buvant dans leur urne embaumée
Nectar à la douce saveur ;
L'enfant veut en faire sa proie,
Et de tous ses yeux la guettant,
Charmé de l'habit éclatant
Dont l'aspect excite sa joie,
Il s'élance, court, et conduit
Par le désir de la conquête,
Déjà sa main ouverte est prête
À saisir l'insecte qui fuit,
Va, vient, nulle part ne s'arrête.
L'enfant en vain toujours la suit.
Lasse enfin de ses tours, l'abeille
Ferme son aile en murmurant
Au sein d'une rose vermeille
Que remplit un suc odorant.
L'enfant doucement, en silence,
Sur la pointe du pied s'avance ;
Puis levant sa petite main,
Sur la fleur où l'insecte pose,
La fait tomber... Abeille et rose
Sont prises ensemble soudain ;
Mais alors l'abeille irritée
Allonge son terrible dard,
Et la main sur elle arrêtée
Reçoit sa peine sans retard.
Notre enfant, d'une voix plaintive,
Appelle à son aide en pleurant,
Mais il tombe avant qu'on arrive,
Évanoui, presque mourant.

Jeunes gens sans expérience,
Qu'entraîne un inconnu désir,
Sachez que malgré l'apparence,
Un poison cache sa présence
Dans la coupe du doux plaisir !


Eugène Goubert