La vieillesse commencée, de Pierre Grolier.
La vieillesse commencée.
Recueil : Ballades et romances (1875)
Si vous voulez encore entendre de mes vers Rendez-moi ces beaux jours où nous errions ensemble
Dans les champs embaumés, sous les peupliers verts,
Dont la feuille murmure et tremble.
Rendez-moi ce grand lac, dont les flots transparents
Emportaient au hasard ma barque aventureuse ;
Rendez-moi de ces fleurs les parfums enivrants,
Qu'apportait la brise joyeuse.
Chantez-moi ces lieders ou Schubert, expirant,
Exhalait tant d'amour, de regret, d'espérance ;
Faites revivre en moi le charme pénétrant
D'une heureuse convalescence.
Que je vole, emporté sur l'aile du désir ;
Qu'à la vie, au bonheur, je me sente renaître ;
Que chaque instant nouveau voit un nouveau plaisir...
Alors, je chanterai, peut-être.
Mais non ; les jours passés ne sauraient revenir :
Le temps, qui glace tout, glace aussi la pensée ;
L'esprit, comme le cœur, se fatigue à vieillir,
Et ma vieillesse est commencée.
Pierre Grolier.