La vie est un combat, d'Élise de Pressensé.
La vie est un combat.
Recueil : Les poésies nouvelles (1869)
Oh ne me dites plus que la vie est un rêve, Une ombre qui s'enfuit et flotte sous nos pas :
C'est le temps de la lutte, et si rien ne s'achève,
L'éternel avenir a son germe ici-bas.
La vie est un combat, la vie est une arène
Où le devoir grandit du triomphe obtenu ;
C'est le sentier qui monte et pas à pas nous mène
Aux sommets d'où la vue embrasse l'inconnu.
Ame ! souffle divin, captive frémissante,
Toi dont l'aile meurtrie usera sa prison,
Celui qui t'a créée immortelle et vivante
Te fit libre et t'ouvrit un immense horizon.
Pour l'homme, né de Dieu, rayon de sa pensée,
Le repos, c'est l'oubli, le sommeil, c'est la mort.
Souviens-toi, fils du ciel, qu'immobile et glacée,
La tombe est un passage ; elle n'est pas un port.
Marche ! et que chaque jour te trouve à son aurore
Plus près du but sacré, le flambeau dans la main.
Agis ! le temps est court ; il se hâte et dévore
Ce qui n'est pas réel, immortel et divin.
Que jamais le regret, la crainte ou l'espérance,
La joie ou la douleur ne retardent tes pas.
N'entends-tu pas ton cœur qui bat dans le silence ?
Marche ! il n'est rien pour lui d'assez grand ici-bas.
Que ton pied sur le sol laisse une noble empreinte,
Et peut-être, suivant tes sentiers après toi,
Quelque esprit agité par le doute et la crainte
Retrouvera l'espoir, le courage et la foi.
Laisse au vague avenir ses lointaines promesses,
Au stérile passé son sourire d'adieu ;
Bannis les rêves d'or et les molles tristesses.
Le présent est à toi, mais le reste est à Dieu.
A Dieu, ce passé mort qu'il répare et pardonne ;
A Dieu, cet avenir que lui seul a scruté ;
A nous, l'heure qui fuit aussitôt qu'elle sonne,
Mais qui contient l'éternité.
Élise de Pressensé (1826-1901)