La fiancée et le futur époux, de Prosper Blanchemain.
La fiancée et le futur époux.
Recueil : Les poésies et sonnets (1868)
Lorsqu'au pied de l'autel la blanche fiancée S'avance avec l'époux à qui Dieu va l'unir,
Elle sent tressaillir au fond de sa pensée
Les regrets du passé, l'espoir de l'avenir.
Je ne sais quoi de doux et d'amer tout ensemble
De son front qui s'incline efface les couleurs ;
Elle espère avec crainte, avec joie elle tremble,
Et ses yeux ingénus laissent couler des pleurs.
Ce trouble vous sied bien, candide jeune fille ;
J'aime à voir la pervenche aux feuilles de satin,
Pâle, quand la rosée en son calice brille,
Palpiter dans les bois au souffle du matin.
Craignez encore un jour cette vie inconnue ;
Ainsi, nouvelle éclose, hésite au bord du nid
L'hirondelle inhabile à sillonner la nue
De son aile novice et que rien ne ternit.
Hésitez bien encor ; sur la terre inféconde,
Il faut de la fortune affronter le courroux.
Tout est piège, péril ou tempête qui gronde ;
Mais il est un ami qui veillera sur vous.
Demain, quand vous verrez votre blanche couronne,
Virginal ornement, sous vos pas s'effeuiller :
Forte de son amour, cette main qui frissonne,
Sur le bras d'un époux s'appuiera sans trembler.
Vous n'hésiterez plus, car ce sera lui-même,
Lui que vous redoutez sans connaître pourquoi,
Qui sera votre appui, votre force suprême,
Que vous appellerez en disant : « Soutiens-moi ! »
Puissiez-vous vivre ainsi de bien longues années !
Qui ne voudrait, pendant toute une éternité,
Pouvoir continuer ces chaînes fortunées,
Où l'un est le soutien et l'autre la beauté ?
Ainsi, dans les forêts de la verte Australie,
Jusqu'aux cieux la liane, élevant ses couleurs,
Au baobab géant avec amour se lie :
L'arbre donne sa force, et la plante ses fleurs.
Prosper Blanchemain (1816-1879)