La chanson d'un rouge-gorge, de Mathilde Soubeyran.
La chanson d'un rouge-gorge.
Recueil : Les oiseaux et les fleurs (1878)
J'ai connu dans le voisinage Des virtuoses que j'aimais :
C'était un humble et doux ménage
Qui ne m'importunait jamais.
Lorsque j'écoutais, soucieuse
(Il faut si peu pour m'attrister !),
Le père, d'une voix joyeuse,
À toute heure du jour chanter,
Je sentais sa gaîté naïve
Me gagner, et plus d'une fois
J'essayai de mêler, craintive,
À la voix de l'oiseau ma voix.
Le froid les a chassés : à peine
Si l'on entend près du buisson,
Ou sous les rameaux nus du chêne,
D'un rouge-gorge la chanson.
Et leur nid, dont toute allégresse
Avec les doux oiseaux a fui,
Me fait penser à la tristesse
Du cœur dépouillé comme lui !
Mathilde Soubeyran