Comment nous vient l'amour, de Louise Colet (1834).
Comment nous vient l'amour ?
Recueil : Les fleurs du Midi (1836)
Comment nous vient l'amour ? Qui donc pourrait le dire ? On était étrangers ; mais voilà qu'un sourire,
Une pose, un regard, un accent de la voix,
Nous attire ; — aussitôt deux âmes n'en font qu'une ;
On confond ses désirs, ses douleurs, sa fortune,
Par un pacte ineffable et fatal à la fois.
On cède sans défense à l'attrait invincible,
On est heureux d'aimer !... Hier, railleur, insensible,
On ne comprenait rien à ce bonheur si grand ;
Aujourd'hui l'on ne sait comment on pourrait vivre
Si, ravi tout à coup au charme qui l'enivre,
Le cœur se retrouvait oisif, indifférent.
L'amour verse sa flamme à ces heures si lentes,
Si froides autrefois, mais désormais brûlantes ;
Chaque jour, chaque instant est rapide, animé.
On sent vibrer dans l'air la voix qui nous est chère.
Un sourire nous luit, un regard nous éclaire :
La vie est radieuse : on aime, on est aimé !
Le monde a-t-il toujours de vains bruits ? On l'ignore ;
À peine si parfois l'on se souvient encore
Des tourments du passé ; tous les échos lointains
Se taisent ; l'on n'entend qu'une seule parole,
Un sentiment suffit au cœur et le console
De tous les sentiments qui pour lui sont éteints.
Mais aussi, quand cette âme, avec la nôtre unie,
Brise l'enchantement, quelle heure d'agonie !
Comme le souvenir nous ronge et nous détruit !
Tout se couvre à nos yeux du deuil de nos pensées,
On marche environné de ténèbres glacées,
Et l'on cherche la mort pour sortir de la nuit.
Louise Colet.