Aux jeux de l'amour, d'Honoré d'Urfé.
Aux jeux de l'amour.
Recueil : L'Astrée (1607)
Je suis Amour, cet enfant Qui commande à toute chose
Et qui de tous triomphant,
De tous à mon gré dispose :
La jeunesse, les appas,
Et les âmes sans malices,
Les ris, le jeu, les ébats
Sont mes plus chères délices.
Aussi j'aime la beauté,
Qui, comme nouvelle rose,
Sous les rayons de l'été
N'est encore bien éclose ;
Et tiens pour un grand malheur
D'aimer longtemps une Belle ;
Car, plus que la vieille fleur,
J'aime l'épine nouvelle.
Qui veut donc suivre l'Amour,
Aime une tendre jeunesse :
Qu'il sache de jour en jour
Changer aussi de maîtresse ;
Qu'il éteigne son tison,
Quand mes lois veulent qu'il meurt :
Amour est vieux et grison,
Quand il dure plus d'une heure.
Honoré d'Urfé.